Au Moyen-Age, les hospices et hôpitaux étaient nombreux sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle et aux environs de Rocamadour pour accueillir les pélerins.
Hôpital Beaulieu à Issendolus, sur le chemin de Rocamadour. Où sainte Fleur fut moniale pendant plus de 20 ans ©A. Décup
Par Rédaction Cahors Publié le 8 sept. 2024
Les jacquets se dirigeant vers Compostelle, marchent sur les traces d’un passé flamboyant. de l’Europe entière, ils rejoignent depuis le Puy en Velay, Figeac, Cahors et les causses du Quercy. Cathédrales, sanctuaires, chapelles sont des lieux emblématiques qui éblouissent ces milliers de fidèles et de pénitents. Les hospices et hôpitaux y tiennent un rôle majeur à cause des nombreuses maladies.
Dans le Lot, Notre Dame de Rocamadour est vénérée dès le XIe siècle par les paysans quercynois. La découverte du corps intact de saint Amadour en 1 166 amène des pèlerins venant des quatre coins de la France et de l’Europe entière. La cité sainte attire les foules.
Des dizaines de milliers de pélerins à Rocamadour au Moyen Age
Il faut nourrir les pèlerins se comptant par dizaines de milliers lors des « Grans Pardons ». Rocamadour connaît son apogée.
Mais le contexte connaît de sombres périodes : le sud-ouest de la France doit faire face à plusieurs fléaux en même temps. À partir de 1280, la récession se fait sentir et entraîne une augmentation de la pauvreté. En 1315, la famine s’installe, et en 1337, c’est le déclenchement de la guerre de Cent Ans. Sans compter les épidémies périodiques comme la peste ou la lèpre durant laquelle les morts se comptent par milliers. Les malades sont alors relégués « hors les murs », à distance des cités, dans des léproseries situées au-delà des remparts pour éviter la contagion des populations.
Si les marcheurs, jeunes et curieux, forment de joyeuses bandes qui découvrent des lieux nouveaux et sont attirés par des églises de construction récente, les milliers de kilomètres qu’ils doivent parcourir sont des épreuves. Le pèlerin, qui vient de très loin, est harassé de fatigue et rencontre des tensions physiques. Souvent, il tombe malade.
L’hospice, d’abord lieu de soin du corps
Il n’est pas rare que le fragilisé soit reçu chez l’habitant, où lui est aussi offerte « l’assiette du pauvre ». Mais la majorité d’entre eux trouve refuge dans les hospices situés dans des lieux difficiles à traverser : rivières, causses sauvages ou zones désertiques.
Ces établissements, recommandés par les sanctuaires, sont créés au bord des chemins en tant que maisons d’accueil. Au fur et à mesure que l’on s’approche du lieu choisi, comme Rocamadour, les hospices et hôpitaux se font de plus en plus nombreux. Tous ont une fonction essentielle : soigner les indigents et héberger les pèlerins.
Si Rocamadour a construit un important hôpital (avec léproserie) à l’Hospitalet (comme celui de Cahors et de Figeac), des hospices de plus petite taille sont construits, souvent par l’intermédiaire de Congrégations, à Issendolus, Assier, Martel, Montcuq, Cressensac, L’Hôpital-Saint Jean, Espédaillac, Labastide (Fortunière), Soulomès, Latronquiére, l’Abbaye-Nouvelle, Espagnac.
Le chanoine Albe a dénombré dans l’ancien diocèse de Cahors (qui allait jusqu’à Montauban) une centaine de maisons hospitalières au début de la guerre de Cent Ans.
Leur existence est liée à des donations émanent de seigneurs, de l’Institution-Église ou de riches personnages qui ont accompli eux-mêmes le pèlerinage. Tous ont dépassé le cadre individuel pour venir en aide à la société tout entière. La charité a été un puissant levier pour donner naissance à ces édifices médiévaux qui sont publics et gratuits.
Construits entre le XIe et le XVe siècle, ces bâtiments comprennent un ou plusieurs dortoirs à disposition des pèlerins, un réfectoire ainsi que quelques pièces annexes. Et possèdent également un oratoire et une chambre où sont isolés les malades contagieux.
Les fondamentaux du Moyen-Âge : l’hospitalité et la charité
Dirigés par des Ordres religieux ou chevaleresques, ils doivent veiller tout autant à la santé physique que spirituelle des jacquets. S’ils offrent des soins matériels et corporels, soignants et patients vivent côte à côte au quotidien. Les uns en tant que personnes bienveillantes offrant une partie de leur temps, les autres en tant que personnes fragilisées mais tous, enfants de Dieu.
Ainsi indigents, malades et pèlerins se partagent les lits disponibles tandis que le personnel religieux ou laïque, salarié ou bénévole, s’engage au dévouement.
Tous ont pour horizon l’obtention du salut, le pèlerin en priant, rendant grâces ou expiant ses fautes. Si ce dernier meurt, l’inhumation se fait sur place, dans le cimetière ou la fosse commune de l’hôpital. S’il en est éloigné, sa sépulture lui sera accordée au bord du chemin.
Souvent, le jacquet a laissé un testament dans lequel il demande de distribuer ses vêtements aux pauvres. Le plus important est de donner l’argent qu’il lui reste au clergé afin qu’il fasse célébrer des messes pour le salut de son âme.
À cette époque, la spiritualité chrétienne valorise le corps souffrant
L’hospice est une façon pour tous d’exalter les vertus chrétiennes d’hospitalité et de charité, très fortes à cette époque où les soins médicaux sont limités et peu efficaces.
L’attention au corps souffrant du prochain a été portée au XIIIe siècle dans les prédications des Ordres mendiants formés par saint François d’Assise et saint Dominique.
La conversion personnelle prêchée dans les églises et sur les routes se traduit par la pratique des « œuvres de miséricorde » envers le corps des souffrants.
Le pèlerin qui choisit ou subit (certains exécutent des peines) de marcher jusqu’à Compostelle doit cultiver de grandes vertus de patience et de persévérance, à l’image du Christ durant sa Passion. Saint Dominique lui-même quand il prêche devant des hérétiques, rêve d’endurer « les plus grands supplices pour Jésus-Christ ». Les fidèles sont alors destinés à connaître cette expérience.
Le plaisir n’est qu’un instrument d’accomplissement de la vertu
Face à sa gestion de la maladie, de la pauvreté, de la souffrance, le gueux-croyant du XIIe-XVe siècle connaît-il des moments de plaisir en ce monde ? Faut-il en conclure que le Moyen-Âge abolit toutes sortes de bien-être et de contentement ?
Dans le domaine des satisfactions, la guerre, la rudesse de la vie quotidienne, la mort perpétuellement présente, laissent peu de place à la romance. Si le « Roman de la Rose » est plus ou moins imprégné « de volupté, de licence et d’érotisme », pour l’Église le plaisir ne peut s’exprimer que dans le cadre du mariage et de la famille.
Ordonné à la procréation, il est considéré de façon positive du moment où il s’exerce dans la sobriété et qu’il ne cède pas à la tentation du vice et de la luxure. Selon saint Thomas d’Aquin, le plaisir, « qui fait partie de la condition humaine devient l’instrument d’un accomplissement de la vertu ».
André DÉCUP
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