Le Festival de Rocamadour ne veut plus avoir affaire au Sanctuaire et l'organiste annonce le démontage de l'orgue : retour sur une incroyable histoire qui éclate au grand jour !
« Rocamadour n’avait pas besoin d’une telle publicité ! » (un élu du conseil municipal) ©André Décup
Par Jean-Claude Bonnemère Publié le 6 oct. 2024
Entre le Sanctuaire Notre Dame de Rocamadour et l’organiste Emmeran Rollin, directeur de l’association Cantica Sacra, organisatrice du Festival de Rocamadour, le feu couvait sous la cendre depuis plusieurs années.
« Le jeudi 10 octobre prochain à 9 h 30, débuteront les opérations de démontage de l’orgue », tel est en substance le message quelque peu sentencieux adressé via un mail en date du 2 octobre 2024, par un cabinet d’avocats parisien au conseil du Sanctuaire Notre Dame de Rocamadour et du Diocèse de Cahors. Portant tampon « officiel », ce document traduit la démarche engagée par Emmeran Rollin directeur de l’association Cantica Sacra (association organisatrice du Festival de Rocamadour présidée par Philippe Lasvaux).
La veille était adressé aux médias, un communiqué de presse stipulant que le conseil d’administration de Cantica Sacra, avait décidé « de ne plus solliciter l’usage du Sanctuaire pour l’ensemble de ses activités (déroulement du Festival)…» Un troisième document émanant de la même source, confirme que l’orgue sera démonté, mais qu’il ne sera pas procédé au remontage… Autant de communications via un avocat plutôt que de chercher à résoudre les éventuels malentendus par un contact direct, pratique habituelle chez nous. Faut-il en déduire, le déroulé d’un scénario huilé et prémédité ?
En résumé, l’association Cantica Sacra fait part de sa décision d’emmener le Festival de Rocamadour en d’autres lieux, et en même temps d’user de l’orgue « lui appartenant dans la basilique », comme elle l’entend, c’est-à-dire procéder au démontage de l’instrument à des fins d’entretien, mais de ne pas le remonter.
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Qu’est-ce qui justifie une telle théâtralisation des décisions prises par l’association Cantica Sacra, alors qu’il s’agit en cette période de procéder au renouvellement de la convention liant le Sanctuaire à l’association Cantica Sacra, organisatrice du Festival de Rocamadour ? Pas d’explication de la part du directeur du Festival de Rocamadour, qui donne rendez-vous à la presse le 17 janvier 2025, pour découvrir la programmation de la 20e édition du Festival de Rocamadour. Qui vivra verra !
Pour qui et pour quoi a été construit cet orgue ?
En 2007, l’orgue de la basilique datant de 1928, arrivé à bout de souffle, se voyait déposé. Il n’y avait donc plus d’orgue en ces lieux. Aussi, afin de redonner tout son éclat au Sanctuaire et soutenir le Festival de musique sacrée existant à ce moment-là, une commission nommée par l’évêque de Cahors chargeait le facteur Jean Daldosso de réaliser un nouvel instrument, tandis que le suivi du projet était confié à l’association Cantica Sacra. Créée en 2006, l’association Cantica Sacra présidée par Jean Bressac et impulsée par l’évêque de Cahors s’était donnée pour vocation de participer au rayonnement du Sanctuaire de Rocamadour à travers le volet musical et le chant choral. 2006 marquait notamment les 70 ans de la conversion de Francis Poulenc à Rocamadour, une occasion supplémentaire pour lancer une nouvelle dynamique autour du Sanctuaire. « Promouvoir l’art sacré, via l’association Cantica Sacra suscitait un bel élan, auquel de nombreux Amadouriens et autres habitants de la région ont répondu ! » confirme Jean Bressac. « C’est bien dans cet état d’esprit de contribution au rayonnement du Sanctuaire de Rocamadour que l’association Cantica Sacra a été créée » assure-t-il. En 2014 Jean Bressac quitte la présidence de l’association Cantica Sacra, alors que vient d’être fraîchement recruté Emmeran Rollin. « Déjà j’ai eu du mal à faire entendre au jeune homme, que les membres de l’association avaient pris en charge l’organisation de l’inauguration du nouvel orgue dont il souhaitait s’occuper, et je lui rappelais qu’il était recruté avec pour objectif premier d’organiser le festival de musique sacrée » précise Jean Bressac.
À la question de savoir pourquoi il a été confié à l’association Cantica Sacra le suivi de la construction de l’orgue, dans la mesure où celui-ci était destiné à prendre place dans la basilique ? « Simplement pour une question d’ordre juridique, pas plus ni moins ! » s’exclame Jean Bressac. L’évêché de Cahors percevait les dons et reversait à l’association Cantica Sacra les sommes appelées pour le règlement au fur et à mesure des échéances. Le montant total du coût des travaux de l’orgue s’élève à 368 000 €. Une possibilité d’options, a laquelle il a été recouru partiellement, par la suite, faisait grimper la somme à plus de 400 000 €.
Grâce à la participation généreuse des Amadouriens, des Lotois, de donateurs de France et de l’étranger, et d’un mécène qui a lui seul versa 240 000 €, la basilique de Rocamadour put se doter d’un nouvel instrument inauguré en novembre 2013. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes : l’orgue servant d’une part à l’accompagnement de la liturgie et d’autre part prenant place dans le cadre du Festival de Rocamadour, organisé par l’association Cantica Sacra. Qui pourrait imaginer en effet, qu’un seul donateur, soit pour une modique somme ou un gros chèque, ait envisagé un instant, que l’orgue pour lequel il apportait sa contribution, n’était pas destiné au Sanctuaire de Rocamadour, que ce soit pour l’accompagnement liturgique, un concert ou un festival ?
Il perd devant les Prud’hommes à Cahors et se voit condamné en Cour d’appel
Or, il apparut très vite que le directeur de Cantica Sacra, en même temps organiste, faisait sien le nouvel instrument, s’en réservant un usage quasi-exclusif et en monopolisant la clé. Prétendant être salarié du Diocèse de Cahors, quand bien même du jour au lendemain, il décida de ne plus accompagner les offices à l’orgue, Emmeran Rollin traîna le Sanctuaire de Rocamadour et le Diocèse de Cahors, devant les Prud’hommes. Perdant le procès en première instance (Demande rejetée, par le Conseil de Prud’hommes de Cahors en date du 13 juillet 2022), il fit appel de ce jugement et cette fois-ci, ce même directeur-organiste fut condamné par la Cour d’appel d’Agen (Arrêt du 28 novembre 2023). Ainsi en est-il des relations imposées par le directeur-organiste de l’association Cantica Sacra au Sanctuaire et au Diocèse de Cahors. Quand bien même dans le même temps, le Festival de Rocamadour prenait une belle envergure sous l’impulsion d’Emmeran Rollin.
Deuxième épisode, l’association Cantica Sacra (qui n’a cessé de perdre des membres au fil des ans) prétend détenir la propriété de l’orgue, au motif que l’instrument ne serait pas greffé dans la paroi rocheuse et dès lors n’appartiendrait pas au Sanctuaire, mais à l’association Cantica Sacra. Comment asseoir un tel raisonnement dans la mesure où la commande de cet orgue était aux yeux de tous liée à Rocamadour et son Sanctuaire, ce qu’a toujours confirmé son usage. Cependant, plus possible pour le Sanctuaire d’utiliser l’orgue au gré de ses besoins liturgiques, sans passer par le directeur de l’association Cantica Sacra, lequel a confisqué la clé de l’instrument et faisant apposer une serrure, alors qu’il ne lui a même pas été attribué le titre de titulaire de l’orgue. « Cela fait 2 ans et demi que l’orgue est muet pour les offices, une situation dénoncée par les donateurs qui considèrent comme in entendable le raisonnement de l’organiste », souligne encore Jean Bressac.
Qu’en est-il de ces soi-disant relations « toxiques » et « harcèlement » ?
Pour motiver sa décision de couper les ponts avec le Sanctuaire de Rocamadour, le conseil d’administration de Cantica Sacra accuse les représentants du Sanctuaire de soi-disant relations « toxiques » et de conduites qualifiées de « harcèlement ». Renseignements pris, il s’agit d’envoi de SMS et appels téléphoniques pour rappeler que la Convention régissant les relations entre le Sanctuaire et le Festival arrivant à échéance, il convenait d’arrêter les termes de la prochaine convention et prévoir un document permettant de régir l’utilisation de l’orgue. Vous avez dit relations « toxiques » et « harcèlement » ?
Mécènes et partenaires du Festival de Rocamadour, qui n’ont affaire qu’au directeur-organiste depuis plusieurs années et qui s’en tiennent à la programmation prestigieuse du festival de Rocamadour, ont-ils idée de la situation ? À un moment donné, aussi brillant soit l’organiste il convient de réaccorder l’instrument, rendre à César ce qui appartient à César et pour la presse fournir des éléments utiles à la compréhension de tous.
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