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ETATS D’AMES D’OUTRE TOMBE



Je m’appelle Antonin ou Georges, je suis mort à Verdun en 1916, ou je m’appelle Victor ou Prosper, je suis mort fin 1944 à la bataille des Ardennes.

Je réside maintenant dans le cimetière de l’Hospitalet à Rocamadour juste derrière le mur qui conduit à la chapelle, à seulement 25 mètres du monument aux morts où mon nom, et ceux de mes frères d’armes est inscrit.

Inutile de vous dire que je participe depuis à toutes les cérémonies au monument aux morts mais personne ne me voit ni ne m’entend, et pour cause : je suis mort mais je vois et j’entends.

Je suis mort à l’âge de 22 ans, mort pour ma famille, mort pour ma commune, mort pour la France. C’est un peu grâce à moi (et à mes frères d’armes) que la France est toujours la France sinon vous seriez peut être en Germanie.

J’ai toujours des descendants dans ma commune, que j’aperçois à chaque commémoration ; cela me réjouit que ma famille ne reste pas indifférente à mon destin.

Or depuis un peu plus de 5 ans, je n’entends plus, lors des commémorations du 8 mai et du 11 novembre, les responsables citer la liste des morts de 14/18, de 39/45 et de la guerre d’Algérie.

Suis-je indésirable ? Suis-je invisible ?

Je ne cherche pas les honneurs, c’est déjà fait, mais je suis surpris qu’un ministre, qui plus est incompétent, fasse lire une lettre aux grandes phrases mais sans beaucoup de bon sens. Je suis aussi surpris qu’on cite des militaires d’aujourd’hui morts pour la France  (en très petit nombre) au Mali, au Liban ou en Afghanistan et qu’en même temps on ne puisse pas citer les très nombreux morts de la commune des grandes guerres du 20ème siècle.

Bien qu’en ce 11 novembre l’assistance fût nombreuse avec la présence de militaires et de certains responsables d’associations communales, que sont mes amis d’antan devenus ?

-          Les enfants des écoles et leurs parents ?

-          -Les maitres et maitresses d’école ?

-          - Les présidents d’associations ?

-          Les élus municipaux pour la moitié d’entre eux ?

Moi et mes frères d’armes avons pris nos responsabilités et vous, prenez-vous les vôtres ?

Faites vous perdurer la mémoire afin que la situation que j’ai vécu ne se renouvelle pas ?

Dès la fin des 2 guerres, à chacun 8 mai et  11 novembre, un mouvement de reconnaissance sincère et important avait lieu à notre égard de la part de toute la population communale et les enfants des écoles à chaque nom cité répondaient « mort pour la France ».

Puis fin du 20ème siècle et début du 21ème vient le temps du souvenir, intense au départ puis égrené au fil du temps.

On en est à un moment où, si cela continue, nous allons définitivement rentrer dans l’oubli.

S’il vous plait, ayez du bon sens, ne nous oubliez pas. Ce serait nous tuer une 2ème fois.

ANTONIN, un poilu de 14/18

Rocamadour le 11-11-2024

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